Nov
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Isadora sur la plage à Venise, 1903ou5@Deutsches tanzarchiv
Trente trois secondes. C'est tout ce qu'on a des danses d'Isadora: un document trouvé à la Cinémathèque de la Danse, un bout de film muet (dommage, pour quelqu'un qui aura prôné la "musicalité" de la danse....) qui n'est pas daté et parait-il tourné en Russie au début du XXè siècle (cf. post précédent : Isadora en cinq secondes sur You Tube).
Voilà pour la "sculpture vivante", sous-titre de l'exposition Isadora Duncan (1877-1927) au musée Bourdelle. Pourquoi à Bourdelle (ou "à bordel" comme dit Gloria)? Parce que Bourdelle a beaucoup dessiné Isadora Duncan, du moins des figures expressives de la danseuse . D'ailleurs, elles ont servi de modèle pour ses effigies de la Danse et la Musique au théâtre des Champs-Elysées (avec Nijinski, pourtant les deux ne dansèrent jamais ensemble). Comme nombre de sculpteurs, Bourdelle l'a dessinée : il est d'ailleurs amusant de repérer les similitudes entre les poses, qu'on regarde les dessins de cet artiste ou d'autres, comme Wouters, Grandjouan, Dunoyer de Segonzac ou Walkowitz et Rodin.
(ci-dessus, métope du théâtre des Champs-Elysées à Paris)
Mais d'abord qu'est-ce qu'on voit lorsqu'on regarde Isadora danser? Dans un jardin, en plein-air, au beau milieu des invités , on voit une femme souriante, habillée de flou, un châle croisé sur une robe ou une tunique, poursuivre un mouvement fluide en guise d'harmonisation à la nature ambiante, tête levée dans une volonté d'empathie romantique, qui va contre les figures imposées du ballet--du moins le croit-on.
Il n'est pas indifférent que la danseuse se soit prise de passion pour la Grèce antique --avec son frangin Raymond, un copain de la grand-mère de LBV et qui fut responsable du port de sandales du père de celle-ci lorsqu'il était enfant, hiver comme été!!!)--Non seulement elle s'inspira des bas-reliefs et des vases, mais elle y fit des voyages, ce dont une magnifique série de photos par Steichen témoigne:
l
Steichen, Isadora Duncan at the Portal of the Parthenon,1921
L'articulation entre l'appel néo-classique et la geste exaltée de la danseuse n'est ici pas explicitée. Elle relève sans doute plus d'un phénomène d'époque mêlant curieusement le monde anglo-saxon et la France dans un regard inverti sur la Grèce, antique et moderne (un mix qu'on voit chez Steichen) ;où l'on trouve en vrac, la poésie sapphique et Pierre Louÿs, le gris, Colette et Montesquiou (portraituré dans l'expo), Georgette Leblanc, Maeterlinck et Debussy et les fêtes grecques de Nathalie Barney (portraiturée aussi par Romaine Brooks, également toute en gris), laquelle s'en alla brièvement fonder une colonie à Lesbos avec Renée Vivien; et en passant par un goût particulier pour les idéologies totalitaires dissimulée sous le terme d'héllénisme...
Pour ce qui concerne Isadora , l'invocation à la "Grèce", semble avoir été un passe-partout pour reconsidérer la danse comme un art véritable, noble, profane et surtout antagoniste d'un autre pôle, Africain.
Composée de 5 parties, l'exposition se poursuit sur un portrait de groupe des danseurs contemporains d'Isadora, Cléo de Mérode, Ida Rubinstein, Ruth St Denis, la Pavlova et Nijinski, ainsi que les élèves de la danseuse au Dionysion (école fondée à Sèvres) et ses trois légataires... puisqu'Isadora mourut jeune, de la façon qu'on sait, étranglée par son une écharpe, malencontreusement enroulée dans la roue de son automobile, sur la Côte d'Azur.
Jusqu'au 14 mars 2010. www.bourdelle.paris.fr